L’accouchement est politique
Fécondité, femmes en travail et institutions
Laëtitia Négrié – Béatrice Cascales
À propos du livre :
À l’heure où certain.e.s s’offusquent de voir des corps marchandisés par la GPA, technologisés par la PMA, et où la première greffe d’utérus vient d’être effectuée, peut-on enfin réaliser que les corps des femmes qui accouchent sont transformés en machines à enfanter depuis bien longtemps ?
« Focalisé sur les leviers d’émancipation que sont la contraception et l’avortement, le féminisme, même s’il s’est préoccupé de la fonction maternelle, notamment dans son articulation avec le travail féminin, ne s’est jamais réellement intéressé à ce qui se passe entre les acteurs médicaux et les femmes au moment de l’accouchement, qui pour la plupart d’entre elles est aussi celui du devenir-mère. […] En cherchant à transmettre notre vision et notre compréhension de ce qui se joue autour de la fécondité des femmes, et en particulier lors de la prise en charge médicale de la grossesse et de l’accouchement, nous avons souhaité rendre visible ce qui ne l’est presque plus aujourd’hui : la division et l’isolement des femmes, ainsi que l’oppression matérielle, corporelle, psychique, qu’elles subissent en raison de leur potentiel de fécondité. Nous osons même espérer que la reconnaissance de cette oppression qui n’est finalement que la transformation de celle qui contraignait les femmes à la reproduction, pourrait rassembler l’ensemble des personnes et des mouvements qui œuvrent pour l’autodétermination sexuelle et reproductive. »
À propos des auteures :
Laëtitia Négrié, accompagnante à la naissance depuis bientôt 10 ans, conseillère conjugale et familiale et formatrice, masterante en sciences de l’éducation à Paris 8, milite pour les droits sexuels et reproductifs, incluant celui à disposer de son corps pendant la grossesse et l’accouchement. C’est en devenant mère qu’elle prend conscience de sa condition de femme, et de la place de celle-ci dans la société. Elle ressent alors la terrible contradiction d’être mère et femme, et en même temps la continuité entre ces deux identités en termes d’infériorité de statut social. Son parcours de militante de la naissance respectée auprès des féministes et de féministe auprès des militantes de la naissance respectée illustre le clivage entre ces mouvements et leur opposition sur la question de la maternité.
Béatrice Cascales, conseillère conjugale et familiale et formatrice, a travaillé pendant 15 ans au Planning Familial. En rencontrant des personnes et des groupes, elle s’aperçoit que le raccourci idéologique selon lequel la contraception libère les femmes empêche de s’intéresser réellement à la façon dont celles-ci vivent leur capacité à mettre au monde des enfants, de penser la complexité de la place et du rôle de cette potentialité dans leur existence, et surtout d’en faire une préoccupation politique. Lorsqu’elle rencontre Laëtitia Négrié, elle découvre que la question de l’autonomie sexuelle et reproductive des femmes autour de la grossesse et de l’accouchement est un impensé du féminisme.
Elles décident alors de s’allier pour penser ces questions et les inscrire au sein des luttes féministes contemporaines.
Extrait de la préface :
« Ce livre est un traité féministe sur l’appropriation institutionnelle des femmes » en situation de maternité « . À partir d’une analyse clinique et scientifique, Béatrice Cascales et Laëtitia Négrié scrutent par le menu les actes et décisions des spécialistes de l’accouchement qui, en France, sont majoritairement des obstétriciens formés pour prévenir et suivre les grossesses pathologiques. Les auteures passent au crible les normes qu’ils appliquent en s’appuyant pour ce faire sur des recherches médicales, des études comparatives transculturelles, les recommandations de l’OMS, des témoignages des femmes en travail et leur propre pratique professionnelle en tant qu’accompagnante à la naissance et conseillères conjugales et familiales. Le jugement qu’elles portent sur les autorités médicales est aussi sévère que convaincant. Si elles saluent la mobilisation des féministes de nombreux pays contre « la violence obstétricale » et pour « l’accouchement respecté », elles déplorent que ce mouvement reste marginal en France et vont jusqu’à dire que la maternité est un « impensé féministe ». Dans le même temps, puisant dans les écrits français des chercheurs médicaux, des praticiens militants et des théoriciennes féministes de quoi élaborer et défendre leur critique politique, elles actionnent de puissants moteurs de changement dans ce pays. La maternité compte parmi les plus épineux champs d’exercice des pratiques sexistes et de l’idéologie mystificatrice, et c’est sûrement l’un des plus disputés. La pensée féministe de ce livre, en décrivant crûment la réalité de ce qui se passe derrière les portes des salles d’obstétrique, impose une reconnaissance de la construction sociopolitique – et non pas biologique – de l’accouchement et nous incite à prendre position en pleine conscience de solidarité avec les femmes en travail. »
Gail Pheterson, extrait de la préface.
Gail Pheterson est l’éditrice de A Vindication of the Rights of Whores et l’auteure de Le prisme de la prostitution et de Femmes en flagrant délit d’indépendance.
Bonne lecture !